Jean-Gelin Charles

À la fin, ce qui compte, ce ne sont pas les années qu'il y a eu dans la vie ; c'est la vie qu'il y a eu dans les années. - A. L.

Après tes études classiques et un début à Port-au-Prince rempli de toutes les plus belles promesses, ta famille et tes amis t'on vu, à 23 ans, laisser Haïti pour aller étudierl'électronique au Canada. Cétait en janvier 1976. Ton intégration réussie à Montréal allait alors être unepremière étape décisive de ton cheminement en dehorsdu pays natal, avant que, près d'une quinzaine d'annéesplus tard, avec femme et enfants, tu aies dû t'éloigner des rigueurs du climat canadien. En Floride où tu as alorsdéposé tes valises, tu t'es construit une nouvelle vie.

Celles et ceux qui te regardent avec tant soit peud'attention ou une part de perspicacité trouvent que le départ terriblement précipité de ton seul fils, mon neveuJean Élie, il y a quelque 15 ans, plus que de te marquerprofondément, est resté ce coup dûr qui t'a profondémentchangé. Mais une valeur essentielle ne t'a pas quitté : ta force de caractère et cela jusqu'au bout, jusqu'à ton dernier souffle, t'est restée fidèle. Ce dont tous ceux qui t'ont cottoyé me parlent, c'est ta gentillesse. Une telleunanimité ne peut être que le témoignage de quelquechose comme... ta nature profonde !

Tu aimais tellement la vie et voulait tant la vivre dans uneambiance familiale normale que parmi des prétendantesqui auraient aimé partager ta compagnie, même après 70 ans, tu as fait le choix de te remarier à 71 ans. Mais les circonstances allaient te tenir éloigné de cette nouvelle idylle, la plus grande partie du temps. Ce qui est certain, c'est que tu n'as jamais renoncé au bonheur. Moralement, mentalement, la maladie ne t'a jamais vaincu. Ta force de caractère t'est restée jusqu'au bout. Et tu t'en es allé, ce27 février, le cœur plein d'amour, l'espoir plein le cœur.

À peine parti, tu es déjà un mythe. Un mythe car chacune, chacun parle et parlera de toi selon sa perception. Et l'onsait tous qu'entre la perception et la réalité, il y a généralement un écart. Et celui-ci peut être petit ou grand. Mais moi, cela fait plus de six décennies que je te connais. Par dessus les coups durs assénés par les aléas de l'existence et l'adversité, tu as su demeurer un homme, l'homme de tout le monde !

Oui, je l'ai bien constaté : tu étais devenu ce Sage qui trouvait raisons et moyens de s'entendre avec les uns et les autres. Face à de petites choses qui risqueraientparfois d'agacer un peu, toi, je t'ai souvent vu calme, stoïque, imperturbable. Chapeau, vieux frère !

Alors va. Va mon courageux frère. Tu peux partir le cœurléger avec l'assurance d'avoir fait de ton mieux, qu'inportent les résultats. Ceux qui t'ont aimé te pleurent